En tant que première étape de mon voyage d’exploration de couleurs, j’avais un pressentiment que Saint-Jean de Terre-Neuve pourrait bien être le secret « couleur » le mieux gardé en Amérique du Nord. Les quelques photos trouvées semblaient le suggérer. Ma sortie de l’aéroport a confirmé mes idées préconçues. Saint-Jean est un véritable paradis de couleurs, et bien que les “Newfies” ne se prennent pas trop au sérieux, quand il s’agit de peinturer, ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère.
Moins d’une heure après mon arrivée à l’hôtel, on est venu me chercher pour une visite guidée d’une demi-journée de la ville. Les maisons arc-en-ciel en rangée de Saint-Jean m’ont immédiatement causé une poussée d’énergie (l’énorme café a aidé aussi). Les maisons ne sont pas seulement colorées; elles créent un impact. À mesure que j’en apprenais davantage sur l’histoire de Terre-Neuve et la population de Saint-Jean, cet impact est devenu de plus en plus clair.
Saint- Jean est la ville la plus à l’est de l’Amérique du Nord. Elle est souvent ignorée, même oubliée. Elle ne possède aucune industrie en dehors de la pêche. Le climat est notoirement capricieux et rigoureux. Et pourtant, les habitants ne sont non seulement extrêmement amicaux, mais aussi fiers de leur ville et de leur patrimoine. Les circonstances et la géographie les ont rendus farouchement indépendants et résistants. Leur argot hilarant a été développé au fil du temps comme un moyen de communiquer de manière concise sur l’eau. Les “Newfies” sont des gens excentriques, en effet. Il est logique que leurs maisons reflètent leurs personnalités distinctes.
Et elles reflètent pas à peu près! Jellybean Row (la rangée des maisons « bonbon ») comprend tout un quartier peint dans des teintes très variées, un arc-en-ciel de couleurs. Mon temps passé à errer dans les rues et à étudier les choix de couleursa fait grandir mon appréciation pourl’harmonie complexe de la palette deSaint-Jean. Malgré la diversité des tons, les façades demeurent compatibles. Il y règne une synergie tacite entre voisins. La couleur de la porte d’une maison est une variation de la couleur primaire de la maison voisine. Des blocs entiers semblent avoir élaboré une stratégie ensemble. Chacun est libre de choisir la couleur qu’il préfère mais le degré de saturation reste uniforme. Et si une maison n’a pas respecté la loi sur les couleurs et a choisi une concoction orange néon ou jaune électrique, elle réussit toujours, comme par magie, à s’intégrer.
Il n’y a pas que les maisons qui sont colorées. C’est aussi les détails. Des pots de fleurs suspendus accentuent les accords primaires avec des touches de violet et de rose grenadine. En explorant Quidi Vidi, le charmant village de Saint-Jean et les quais à l’embouchure du port, j’ai réalisé que tous les choix de couleurs audacieux n’étaient pas intentionnels. Les cordes usées par les intempéries, les conteneurs d’expédition abîmés, les filets de pêche décolorés et les ancres rouillées ont tous conspiré pour évoquer une utopie de couleurs sur le thème nautique de Wes Anderson.
Imaginez être en mer au milieu d’un hiver brutal et diriger votre navire vers le chantier naval. N’apprécieriez-vous pas un amarrage joyeux? Ne voudriez-vous pas que les taquets de votre quai soient également teintés en mandarine?
Vivez en couleurs,
David Axelrod
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